Toujours dans le dernier Casus Belli, j'ai également trouvé un article tout aussi intéressant qui donne de judicieux conseils à ceux qui jouent des persos non humains, pour éviter de tomber le stéréotype ou la caricature.Un elfe de Warhammer ressemble comme un frère à un elfe de D&D. Tellement que les elfes de Shadowrun reprennent exactement les mêmes clichés. Si on ne creuse pas un peu, tous les elfes seront identiques : grâcieux, agiles et un peu hautains.
Finalement, votre archer elfe sera juste un humain avec des oreilles pointues, un bonus en dextérité et du dédain pour
tout le monde. Ça peut être suffisant si vous jouez un scénario très court, du pur porte-monstre-trésor avec peu de roleplay ou si vous n’êtes pas porté sur l’interprétation du personnage. Si vous voulez aller plus loin, voyons ensemble comment construire un personnage qui soit à la fois reconnaissable à tout instant comme un elfe, mais qui s’éloignera suffisamment des stéréotypes
pour ne pas être le même elfe que tous les autres.
Connaître l’univers du jeu Pour découvrir les spécificités du peuple de votre personnage, il vous faut plonger dans l’univers du jeu. S’il existe un guide du joueur, lisez-le. Sinon, demandez au MJ l’autorisation de lire le chapitre qui décrit la culture
de votre alter ego. Prenons deux bons exemples issus de D&D : les elfes de l’Aërenal dans Eberron et les halfelins de Dark Sun. Les premiers vivent sur une île isolée, vénèrent leurs ancêtres morts-vivants, portent des masques funèbres, ont une garde d’honneur composés de non-morts. Une culture bien différente des archers aux oreilles pointues des clichés. Les seconds sont
encore plus éloignés des stéréotypes sur les halfelins bon-vivants fumeurs de pipe : ce sont des chasseurs de têtes cannibales et xénophobes rassemblés en tribus animistes. Votre boulot, pour incarner un des personnages, c’est de lire les quelques pages qui présentent ces cultures pour vous en imprégner. Trouver les clés de son peuple Lire le chapitre qui dépeint le peuple de votre personnage vous donne une idée de la culture de votre personnage.
Maintenant, il vous faut aller plus loin pour représenter un individu unique issu de cette culture. Tous les nains de l’empire ne sont pas identiques. Tous les sullustéens n’ont pas la même personnalité. Ce serait aussi réducteur que de lire quelques pages sur la Belgique et croire que nous sommes tous des bouffeurs de frites amateurs de bière (en tout cas nous ne sommes pas que
ça).
D’abord établir le clichéReprenez le chapitre présentant la culture de votre personnage et trouvez-y des mots-clés ou de courtes phrases qui vous marquent et présentent des éléments essentiels de son peuple. Selon la profondeur que vous voulez donner à votre personnage, et la durée approximative de la campagne, choisissez entre trois et dix expressions. Si vous allez jouer un court scénario en deux ou trois parties, inutile de creuser trop profond. Si vous partez pour une campagne au long cours, à l’inverse,
une petite dizaine d’éléments ne seront pas de trop.
Souvent, les livres de base des jeux ne comportent pas beaucoup d’éléments. Dans Warhammer, chaque race est décrite
sur moins d’une demi-page à laquelle il faut ajouter quelques courtes considérations sur les dieux. C’est peu pour y dénicher des éléments qui vous parlent, et c’est surtout très peu pour que deux joueurs y pêchent des éléments différents. Dans ce cas, votre travail de chercheur commence : y a-t-il un supplément qui présente le peuple de votre personnage ? Des romans
dont les héros en sont issus ? Votre MJ aura sans doute des lectures à vous recommander.
Pour l’exemple, créons un pilote sullustéen pour jouer à Star Wars (on a déjà assez parlé des elfes). En passant sur la description de ce peuple dans l’Ère de la Rébellion, je note les éléments suivants :
• Milieu souterrain
• Curieux de nature, jusqu’à l’imprudence
• Culture clanique matriarcale
• Religion polythéiste
• Gouvernés par une corporation vendue à l’Empire
Ce sont les éléments qui me parlent le plus dans la description de ce peuple, assez courte dans l’ouvrage. Quelques détours sur le net me donnent plus d’informations, mais je décide de garde mes cinq éléments. Puis casser le cliché Les expressions relevées dans le livre me donnent un sullustéen « de base », qui répond à tous les stéréotypes. Pour détourner votre personnage de ce cliché de base, prenez un quart, au maximum un tiers de ces expressions et modifiez-les. N’en changez pas
plus que ça, sinon vous obtiendrez un membre du peuple qui est exactement l’inverse du cliché de base. Et rappelons que l’inverse d’un cliché reste un cliché.
Pour mon sullustéen, je choisis de détourner deux éléments :
• De curieux de nature, je deviendrai extrêmement prudent
• De la religion polythéiste, je passerai à un culte à mystères vénérant un dieux ancien réprouvé par le clergé en place
En deux temps, trois mouvements, me voici avec de quoi jouer un sullustéen qui sera reconnu comme tel mais qui ne sera pas le premier sullustéen venu puisqu’il réserve quelques surprises.
S’éloigner de l’humainMaintenant que nous avons réglé le problème du cliché, attaquons-nous à l’autre problème que nous rencontrons, nous, humains, pour interpréter des personnages issus d’autres peuples : nous nous basons sur nos références bien humaines et nous y revenons sans cesse par confort (ou paresse).
Il va vous falloir trouver des éléments de la culture de votre personnage qui vous permettent de vous éloigner de vos références humaines. Quelques idées d’éléments différenciateurs : Un vocabulaire spécifique avec, pourquoi pas, des mots issus de la langue de votre peuple. Incarner un Klingon et insulter ses ennemis d’un cuisant « Tokhe straav » fera toujours son petit
effet. Vous pourriez aussi nommer un objet de la vie courante de manière différente. Pour vous, une épée est une alfange ; un bouclier est une égide ; un vaisseau spatial est un chariot des dieux ; un pain au chocolat et une chocolatine…
Pour mon pilote, je remarque sur internet que le langage du sullustéen dans le Retour du Jedi (Nien Nunb) était du Kikuyu. Un petit détour par Wikipédia me permet de dégoter quelques expressions dans cette langue : tiga wana (arrête de dire des bêtises), tigwo na wega (au revoir, sois béni), ni ngatho (merci). En plaçant l’une ou l’autre expression de temps en temps, le côté exotique de mon personnage se fera sentir à la table. Un point de vue différent qu’aurait votre peuple sur un événement majeur de l’histoire du monde. Alors que pour la plupart des personnages d’Eberron, la chute du royaume de Galifar est l’événement tragique qui ouvre la dernière guerre, pour un elfe d’Aërenal, c’est un événement parmi d’autres dans l’histoire mouvementée et incohérente des humains. À l’échelle de l’espérance de vie des elfes, a fortiori ceux de l’Aërenal qui continuent de vivre au-delà de la mort, un siècle de guerre n’est qu’un incident. De même, une victoire pour les uns est peut-être une défaite pour les autres. C’est l’histoire d’un Français et d’un Anglais qui parlent de Waterloo…
- Citation :
- Respecter la culture de la table Vous avez décidé de jouer un elfe de l’Aërenal dans Eberron ou un halfelin dans
Dark Sun. Vous avez lu le chapitre les concernant. C’est parfait, mais pensez toujours respecter le contrat social
de la table. Pour rappel, jouer son personnage n’est jamais une excuse pour être désagréable et ruiner le plaisir de ses compagnons. Même un elfe de l’Aërenal, qui peut aller discuter avec ses ancêtres dans la cité des morts, respectera le chef
tribal qui vénère ses ancêtres alors qu’ils sont morts depuis mille ans. Même un halfelin des tribus cannibales peut se passer de réclamer de la chair humaine au banquet donné par un monarque.
Les tabous et autres interdits culturels.Interdiction de regarder la lune lorsqu’elle est pleine, d’utiliser une certaine technologie (de l’arc composite au smartphone), de tourner le dos à un personnage d’une certaine casse sociale, de nettoyer sa lame couverte du sang d’un ennemi valeureux, d’utiliser une certaine forme de magie, etc.
Si vous parvenez à trouver une explication historique à ce tabou, vous gagnez un point bonus. S’il est interdit de regarder la lune, c’est peut-être qu’un jour, le dirigeant de votre peuple a été maudit de lycanthropie…
L’alimentation, lorsqu’elle est différente, étrange. Des repas pris à des moments inhabituels (qu’en est-il du second petit déjeuner ?), l’interdiction de manger sur une table, l’obligation (culturelle ou biologique) de manger de la viande crue, un rituel
inamovible avant le repas (une prière, des ablutions), l’interdiction de certaines épices, l’incapacité de manger vos frites sans mayonnaise. Les sullustéens vivent sous terre. Peut-être sont-ils friands d’insectes ou de vers ? C’est décidé, mon pilote aura toujours sur lui une pochette remplie d’insectes grillés « en cas de petit creux »…
Autour de la table Vous avez maintenant une petite collection d’éléments qui donnent de la chair à votre personnage non-humain. Il vous reste à mettre tout ça en musique pendant les parties. Mettre en place le roleplay de votre non-humain
se fera de la même manière que pour tout autre perso. Deux petits trucs brossés rapidement : Notez tout quelque part. Faites-vous une fiche avec les éléments que vous avez déterminés plus haut. Une page grand maximum, une fiche en carton peut-être. Votre feuille de perso a certainement des marges et des espaces vides, griffonnez des mots-clés partout, vos expressions favorites, des petits rappels d’éléments exotiques.
Le but est d’avoir toujours à l’oeil quelques éléments à replacer pendant la partie pour que tout le monde à la table se souvienne que vous n’interprétez pas un humain.
Ritualisez.C’est LE truc de l’interprétation d’un personnage. Pour chaque élément, trouvez un moyen, dans votre interprétation, de le montrer aux autres. Mon sullustéen est prudent à l’excès. Je réprouverai donc les idées un peu dangereuses avec les deux
mains devant moi en signe de protection. Il est religieux aussi. J’indiquerai avant chaque phase de repos que je sors les figurines de mon culte pour le disposer près de ma couche. Le tout c’est que ce soit répétitif, un véritable rituel qui rappelle à chaque fois votre caractère non-humain. Sans virer dans l’impolitesse crasse, si vous avez déterminé que votre personnage mange salement, pensez à roter ou manger la bouche ouverte de temps en temps quand vous incarnez votre perso à la première personne (je n’ai plus la place pour vous rappeler de mesurer votre roleplay pour éviter que vos compagnons de jeu vous virent de la table, mais vous êtes une grande personne…)